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Prosper Traoré, directeur général de Seydoni Productions

Seydoni rouvrira ses portes bientôt à Abidjan

Seydoni Production, une maison qui n’est plus à présenter dans le paysage de la musique au Burkina, a marqué son grand retour en novembre 2012 avec la sortie discographique des As Dj et de Solo Dja Kabaco. D’autres artistes sont en attente de sortie. Pour être en phase avec un monde de show-biz en constant changement, son directeur général, Prosper Traoré, s’est rendu à Abidjan, histoire de prospecter le terrain et rencontrer des promoteurs de musique. La représentation de Seydoni, fermée en 2002 pour cause de crise, trouvera de meilleurs auspices très bientôt. C’est ce qui est ressorti de l’entretien que nous a accordé Prosper au retour de son périple ivoirien. Entre l’actualité de Seydoni et les problèmes liés à la bonne marche de la musique burkinabè, le directeur général de Seydoni s’est ouvert à cœur joie à nos questions.

 

Moins de six mois après la reprise de vos activités, quelle est l’actualité de Seydoni ?

On est toujours dans la production. Vous savez qu’avant de relancer nos activités nous avons lancé un appel à la maquette auquel près de 200 artistes musiciens se sont présentés. Nous n’avons retenu que 20 et deux sont déjà sur le marché du disque, à savoir les As Dj et Solo Dja Kabaco. Il y a Aouetou qui sortira au mois prochain (NDLR : l’interview a été réalisée le 30 mai 2013). Nous continuons aussi avec la production des autres artistes mais également dans la promotion de ceux déjà sur le marché. Depuis que nous avons repris, les gens nous appellent pour nous féliciter. Nous les remercions parce que le retour des difficultés n’est jamais facile, surtout dans la filière musique. Quoi qu’on dise, il y avait un vide. Nombreux sont des amateurs dans le milieu. Dans un monde de compétition, il n y a pas de place pour les amateurs. C’est le professionnalisme qui doit primer. Pour dresser un bilan succinct, je peux dire que tout se passe bien. Il y a des œuvres de qualité qui sont sur le marché. Et puis, nous avons eu à sonoriser la campagne d’évangélisation de Buisson ardent avec plus de 22 000 spectateurs au stade municipal. La sono a rassuré ceux qui pensent que Seydoni n’a plus de sonorisation. Nous avons même des projets de sorties hors du Burkina Faso avec la sono, notamment au Niger. Généralement, ce sont les gens à l’extérieur qui voient ce qui est bien ici.

                             
                 Prosper Traoré, DG Seydoni Production Burkina

 

Seydoni  a été fermée en 2006 pour rouvrir en 2012 avec la sortie de deux albums au compteur. Au stade actuel, comment se comportent ces sorties sur le marché ?

Il faut d’abord rectifier, Seydoni n’a jamais été fermée. Nous avions arrêté avec les productions compte tenu des difficultés financières. Une production coûte cher ; sinon la maison existait et les gens venaient louer le studio pour enregistrer, commander des CD, etc. Les activités sont en tout cas relancées avec ces sorties déjà produites et celles à venir, dont on peut citer Maï Lingani, Sharaph et tant d’autres. Solo Dja Kabaco est sorti il y a de cela deux mois et, au regard des sollicitations pour des événements comme le SEMICA ou le Galian, des appels d’encouragement et des félicitations que nous recevons, nous pouvons dire que ça va ; son album se porte bien. Et pour booster plus la promotion, nous allons entamer une tournée dans les 13 régions du pays pour qu’il puisse renouer avec ses fans au regard de sa longue absence. Pour les As Dj, nous les avons mis en salle pour répéter en live, ce qui, de nos jours, est très important quand on veut s’exporter. C’est devenu primordial ; les garçons sont déjà aguerris et ils s’en sortent très bien. Le public burkinabè sera étonné de les voir prester en live et, très bientôt, ils vont jouer au Reemdoogo. Ça sera les As Dj nouvelle version.

 

Tu parlais tantôt de prestation au niveau international ; est-ce qu’il y a eu des approches à votre niveau ?

Pour les As Dj, on a eu des contacts au niveau du Gabon, mais ce n’est pas encore finalisé. C’est pour cela que je ne veux pas trop en parler ; pour le moment, nous sommes en discussions. Il y a beaucoup de contacts, d’approches avec des festivals mais on attend. Je n’aime pas vite aller en besogne. J’attends que les choses soient concrètes avant de me prononcer parce que les gens vous prennent toujours au mot.

 

Tu reviens d’un séjour en terre ivoirienne ; qu’étais tu allé y faire ?

La Côte d’Ivoire est un pays plus qu’ami, c’est un pays frère. Généralement, ce qui marche là-bas marche ici. Pourquoi ne pas prospecter le marché ivoirien aussi, exporter notre musique là-bas ? N’oubliez pas que Seydoni avait ses locaux à Abidjan, au Plateau. C’a été fermé à cause de la crise politico-militaire qu’a traversée le pays. Et, depuis, il n’y avait pas un point de vente de notre musique. Les gens voudraient bien acheter des cassettes et CD des artistes burkinabè, mais il n’y a rien. Donc j’y étais pour voir l’environnement et imaginer comment collaborer avec les promoteurs, les producteurs et les acteurs de la filière musique. Il faut ajouter qu’il y a des nouveaux venus dans le domaine que nous ne connaissions pas, et il fallait que nous entrions en contact avec eux. C’était vraiment une prise de contacts ; voir dans quelle mesure travailler ensemble. Les anciens comme Constant, Claude Bassolet ou encore l’actuel directeur général du palais de la Culture d’Abidjan, Dodo Koné, étaient tous ravis de cette approche. Ils attendaient vraiment que quelqu’un fasse le pas dans ce sens.

 

Que doit-on attendre concrètement de cette visite ?

Bientôt, on aura la représentation de Seydoni qui y rouvrira ses portes. Toutes les sorties discographiques au Burkina seront dispatchées incessamment là-bas. C’est ce qui nous fait défaut actuellement. Il faut que les personnes désireuses de s’approprier des CD burkinabè ne soient pas obligées de faire des mains et des pieds ; parce que quand quelqu’un veut un CD d’un artiste du Burkina, il doit appeler un ami, un frère ou entrer en contact avec le manager, etc. Trop de procédures. Je peux dire qu’aujourd’hui le problème est en train d’être jugulé et les gens verront bientôt un changement. Nous avons échangé avec Dodo Koné, le directeur du palais de la Culture, et il nous a promis un projet qu’on pourra faire ensemble, c’est-à-dire Seydoni et le palais. C’est déjà un acquis.

 

Au plan national, nous avons des artistes qui ont du potentiel mais qui peinent à remplir une salle. Est-ce que vous pensez qu’au niveau d’Abidjan ils pourraient y arriver ?

J’ai toujours dit que quand tu n’as pas essayé quelque chose, il ne faut pas dire que c’est impossible. Il n’y a jamais eu un travail de fond dans ce sens. Il faut essayer et ne pas avoir peur des échecs, car on apprend toujours de ses erreurs. Comment les Ivoiriens ont réussi à imposer leur musique ? Comment s’y sont-ils pris ? Autant de questions qu’on devrait se poser et travailler de concert avec les partenaires sur place. Ça va peut-être prendre du temps, mais ça va venir de façon progressive.

 

Mais comment expliquez-vous le fait que les artistes ivoiriens fassent le plein ici au détriment des nôtres ?

C’est une question de mentalité qu’il faut vraiment qu’on change. Les gens pensent que tout ce qui vient d’ailleurs est bon et ce qui vient d’ici est mauvais. Malheureusement, nombreux sont ceux qui le pensent. Il y a même des artistes qui le croient ; certains ont reçu des prêts et ont pris des factures proforma de Seydoni pour ensuite aller enregistrer en Côte d’Ivoire. C’est un complexe d’infériorité qu’on devrait extirper de nos mentalités. Aussi, il faut que nos artistes travaillent à corriger ce fait. Si les gens pensent que vous ne valez rien, c’est à vous de démontrer le contraire, sinon il y a en qui ne travaillent même pas.

 

On a un important nombre de Burkinabè en Côte d’Ivoire et on a l’impression que rien n’est fait par les acteurs burkinabè…

Je ne peux pas parler à la place des autres, mais Seydoni a des représentations en Côte d’Ivoire, au Niger et au Mali. Nous étions déjà dans cette dynamique bien avant. On ne fera que renforcer seulement. Nous avons également des partenaires sur place. Vous savez aussi que l’industrie musicale a pris un coup aussi bien sur le plan national qu’international. Les gens sont méfiants et hésitent à investir dans ce domaine. Pourtant, sans investissement, les choses ne peuvent pas aller à l’allure qu’on veut.

 

Pour la collaboration avec les promoteurs ivoiriens, priorité sera faite à l’écurie Seydoni ou tous les artistes vont en bénéficier ?

Ce qu’il faut retenir de cette collaboration, ce n’est pas seulement les artistes Seydoni. Si d’autres font de bonnes choses et qu’ils sont sollicités, on s’entend avec leur producteur et on remplit les formalités. En somme, c’est la musique burkinabè qui gagne. Nous avons également rencontré le président de l’union de festivités culturelles des résidents burkinabè en Côte d’ Ivoire qui nous a confié que les troupes traditionnelles sont les plus sollicitées. Nous allons voir si toutefois il y a des troupes intéressées, nous allons les faire partir.

 

Ton coup de cœur ?

Je souhaite ardemment que les collaborations qui vont commencer incessamment soient des plus fructueuses pour le rayonnement de la musique burkinabè. Et surtout que nous ne soyons pas des éternels consommateurs et qu’on puisse exporter notre musique partout dans le monde. De meilleurs auspices pour notre musique, c’est tout le mal que je lui souhaite.

Lassané Ouédraogo



10/06/2013
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