Séni Compaoré, étudiant burkinabè résidant aux Etats-Unis
«Comment nous nous battons pour exporter notre culture aux States»
Séni Compaoré, étudiant résidant à Washington D.C aux Etats-Unis d’Amérique est un jeune plein de ressources. Débarqué au pays de l’Oncle Sam en 2005, il a su s’intégrer dans le mode de vie américain tout en restant burkinabè. Président de l’association des étudiants burkinabè de la région de Washington DC, il a su se faire remarquer par son dynamisme et a été approché par le président de la plus grande association des Burkinabè de la région de Washington (ABURWA) pour apporter un plus dans la réalisation d’un idéal commun. Aujourd’hui délégué aux affaires estudiantines de l’ABURWA, Séni Compaoré et ses compatriotes usent de tous leurs moyens pour déplacer les artistes nationaux aux Etats-Unis, histoire de faire la promotion de notre musique et offrir un tremplin à ces derniers. Présentement au pays des Hommes intègres, l’étudiant que nous avons rencontré le samedi 15 juin dans nos locaux nous relate comment les siens et lui usent de leurs moyens pour jouer leur partition à l’éclat de la culture burkinabè.
Peux-tu te présenter à nos lecteurs ?
Je m’appelle Séni Compaoré. Je suis Burkinabè de sang et de cœur, résidant aux Etats-Unis, précisément à Washington. Etudiant à l’Université de Maryland, je prépare un master en gestion de projets et je suis le délégué aux affaires estudiantines de l’association des burkinabè de la région de Washington (ABURWA). J’ai un bachelor en finances et un autre en gestion des entreprises.
Séni Compaoré, étudiant résident au pays de l'Oncle Sam
Comment tu es arrivé aux States et comment s’est passée l’intégration ?
Il faut dire que j’ai commencé les études en Côte d’Ivoire avant de rentrer au bercail après le BEPC ; ensuite, j’ai fait le Lycée technique de Ouagadougou (LTO) et le Cours professionnel de l’innovation (CPI) qui est à Kamsonghin où j’ai eu le baccalauréat. Après un bref passage à l’Université de Ouagadougou, j’ai voulu tenter l’aventure et poursuivre mes études ailleurs surtout que j’avais beaucoup de potes qui étaient en Europe, au Canada. Je visais plus l’Australie, mais mes parents se sont opposés et, finalement, c’est les Etats-Unis d’Amérique qui se sont imposés à moi. J’ai monté le dossier, j’ai postulé et j’ai obtenu le visa sans bras longs comme on le dit, without help or watever (NDRL : termes anglais qui veut dire sans aide ni quoi que ce soit). Avec l’aide de mes parents, j’ai débarqué à Houston le 27 janvier 2005. J’y ai fait une année avant de m’installer à New York pour un an, dix mois à Los Angeles et, finalement, j’ai déposé ma valise à Washington D.C. C’est là-bas que la communauté diplomatique est établie et l’intégration se passe très bien. Les Etats-Unis, c’est l’endroit où tout le monde vit et conçoit sa vie comme il entend tout en essayant de ne pas déranger l’autre. Dans le cas d’espèce, je suis beaucoup social, donc je n’ai pas eu de difficultés à me fondre dans la masse. Je suis vraiment entre de bonnes mains. J’ai la famille à côté, mes compatriotes aussi sont là et tout se passe super bien. L’association des étudiants burkinabè de la région de Washington, c’est ma seconde famille. Et même si souvent on a le mal du pays et qu’on n’hésite pas à mettre les moyens pour obtenir tout ce qui est produit burkinabè.
Depuis quand tu es aux commandes de l’association des étudiants burkinabè de la région de Washington ?
L’association est née depuis 2006-2007 sur propositions de certains étudiants qui voulaient vraiment qu’on fédère nos forces pour lutter ensemble et obtenir tout ce que l’on peut obtenir en tant qu’étudiants étrangers vivant là-bas. On a formé le premier bureau et, à l’issue de ça, j’ai été élu président. J’ai fait un mandat de deux ans et je suis fier de ce qu’on a abattu comme travail. C’est juste pour le dynamisme que nous avons apporté à l’association que le grand-frère Guy Lingani, qui préside la plus grande association des Burkinabè de la région de Washington (ABURWA), m’a coopté pour qu’ensemble nous construisions quelque chose de solide et de bon. A l’issue des élections qui ont suivi, j’ai été élu délégué aux affaires estudiantines de l’ABRWA.
Aux Etats-Unis, il y a une cinquantaine d’Etats et à supposer que, dans chaque Etat, il y ait des structures du genre de l’ABRWA. Comment arrivez-vous à concilier les efforts pour un idéal commun ?
Vous savez, quand une association se crée, elle se fait valoir elle-même. L’association des étudiants burkinabè de la région de Washington est très respectée parce qu’on a eu à faire des activités qui ont dépassé la taille de notre structure. Il faut dire qu’au départ nous étions 50 membres ; et le nombre est allé crescendo. On a participé à l’installation du maire de ladite ville. On a eu une audience au Pentagone et pas mal d’autres activités auxquelles nous avons pris part. Il n’y a pas une association qui pilote l’autre. Chacune est autonome. Et, avec l’ambassadeur actuel, Seydou Bouda, qui nous est d’un grand secours, nous essayons de fédérer les forces en présence. On est en train de réfléchir, sur proposition de son Excellence, à une unité fédérative de toutes les associations burkinabè sur le territoire américain. Ce n’est pas encore effectif mais je crois que ça va venir. L’union fait la force, cela nous l’avons compris et les Burkinabè des Etats-Unis savent ce qu’ils doivent faire pour rapprocher tous les Burkinabè et faire rayonner notre culture aux States mais également dans le monde entier. Avec le soutien des doyens qui nous supportent, qui éteignent le feu quand on l’allume (rires), je crois que nous pourrons y arriver.
Tu fais allusion à quel feu ? Tu n’es pas pyromane on espère?
(Rires) Non je veux parler de petits grabuges, des erreurs de jeunesse. On a le sang chaud et eux ils sont rangés, sages. Ils ont la sagesse et nous la fougue de la jeunesse, donc on se complète pour faire valoir le Burkina Faso.
Parlant de faire-valoir, dis-nous comment est perçue la culture burkinabè là-bas ? Et qu’est-ce qui est fait dans le sens d’une plus-value ?
La culture burkinabè n’est pas trop perçue. C’est pourquoi nous organisons des activités auxquelles d’autres communautés prennent part. Traditionnellement, l’ABURWA organise deux activités culturelles l’année. Une pour le 8-Mars et une pour le 11-Décembre. Deux grandes dates que nous célébrons avec faste. Conférences, ateliers, dîner gala ou soirée pour clore la boucle, toujours dans l’optique de rassembler les Burkinabès. On profite surtout de l’occasion pour sensibiliser et débattre sur des thèmes relatifs à la condition de la femme. Généralement, on traite du thème choisi au pays. Cette année, c’était “Entreprenariat des femmes“, je crois. C’est dans ces moments de partage que d’autres communautés se joignent à nous pour festoyer. On s’arrange toujours dans ces célébrations pour faire venir des artistes burkinabè qui font le plein au plan national. C’est une sorte de vitrine pour eux car ils peuvent être contactés par ces gens si d’aventure leur musique accroche. Mais c’est toujours mieux d’associer nos compatriotes restés au pays et qui ont du potentiel ; ça leur permet de se frotter à d’autres communautés. C’est toujours enrichissant.
Combien d’artistes locaux ont déjà fait le déplacement ?
A ma connaissance, ceux qui sont venus à Washington pour participer aux activités socioculturelles sont le Gandaogo national, feu Georges Ouédraogo, Ahmed Smani, Floby et Dez Altino. Les autres vivent aux Etats-Unis. Je veux parler de Martin Nterry, de Rickson, de Pascal Kaboré (Silmandé), de Bérenger Ouédraogo, de Maï Lingani. Et puis quand vous demandez aux artistes comment ils vivent ces expériences, ils sont très satisfaits et ils ne regrettent pas d’être venus. Ils avouent que c’est quelque chose d’inouï qui ne leur était pas arrivé auparavant. On ne savait pas que ce qu’on faisait était suivi ici et c’est une satisfaction morale pour nous de continuer dans notre lancée pour un rayonnement éclatant de notre culture. Et puis chaque année, nous allons sur la base d’un comité de travail qui fait des sondages des artistes cotés au pays. En fonction de ces propositions, on décide d’un commun accord à qui faire appel. On a également le soutien de l’Ambassade. Mais maintenant que je suis au pays, je commence à comprendre le mécanisme. Il faut dire aussi que nous sommes confrontés à des problèmes de financements. Il n’y a pas de sponsors, ni de budget de l’Ambassade. Quels que soient les organismes qui nous supportent, on vit permanemment grâce aux contributions des membres, aux revenus des activités qu’on mène au niveau local. Souvent il faut tenir compte de ces réalités. On veut faire venir beaucoup d’artistes mais la réalité est tout autre. Mais quand je vais retourner, je vais exposer le problème au niveau de l’ABRWA en ces termes : «Bon ! Voilà, j’ai été contacté lors de mon séjour par le président d’une association d’artistes burkinabè, Baz Bill, qui m’a approché et qui a tenu à nous féliciter pour notre contribution à la valorisation de la musique en particulier et de la culture en général aux States. Il a même organisé des rencontres avec des artistes qui sont tentés par l’aventure, pas seulement pour le cachet». Je crois que je vais les croiser encore dans les jours à venir, discuter avec eux et prendre de plus amples informations pour construire une base de données, on sait qu’il y a des associations sœurs et on pourra les contacter via leurs présidents au cas où. Il y a aussi Gérard Koala dit Evo 1er qui s’investit beaucoup dans la promotion de notre musique aux Etats-Unis. Toujours entre deux avions pour répondre aux sollicitations des uns et des autres ; TTB le maître est également une valeur sûre et, avec ces deux-là, on peut organiser deux cérémonies le même jour.
Quelle est la raison de ton séjour au pays ?
Je suis au pays pour deux raisons. D’abord pour voir la famille parce que ça fait quand même longtemps que je n’étais pas revenu. Ensuite, voir dans quelle mesure apporter ma petite expérience au service de mon pays. Je suis venu pour prospecter le terrain et je compte m’investir pour le développement de mon pays.
Comment fais-tu pour te procurer les produits made in Burkina Faso que tu portes sur toi ? Est-ce difficile d’acquérir ces produits, surtout la musique ?
On peut trouver tout ce qui est burkinabè là-bas ; mais peut-être que ça ne sera pas comme on le voudrait, c’est tout. La copie est toujours différente de l’original. Mais ça arrive à combler ce vide, cette nostalgie de la terre natale. Souvent, on a notre babenda (mets local à base de feuilles) et ma sœur prépare le tô (pâte à base de farine de mil) et invite plein de compatriotes ; ça nous fait nous rappeler un peu le pays. C’est des mets qu’on ne peut pas avoir dans les restaurants là-bas. On a transporté notre culture là-bas et c’est une fierté pour nous de l’afficher. Tout ce qui est ici, on peut l’avoir ; mais ceux qui sont vers le Nebraska, la côte ouest et le Middle west, c’est un peu difficile par rapport à certaines choses. Concernant la musique, certains artistes, avec le concours de l’Ambassade, arrivent à écouler leurs albums ; je ne connais pas trop le mécanisme ni le canal mais j’inviterai les artistes burkinabè à s’investir plus dans le numérique parce qu’avec l’avènement des I-phones, c’est difficile pour les gens d’acheter un C.D alors que, peut-être, c’est trois ou quatre chansons qu’on aime dans l’album. Les Occidentaux, en général, ou nous-mêmes qui sommes de ce mode de vie, on est partant pour les I-tunes. On les achète sur I-tunes. Les artistes de grand renom comme Alpha Blondy ou Tiken Jah aiment beaucoup ces trucs et ça les fait vendre beaucoup. J’en ai même touché un mot au président Guy Lingani et bientôt on verra ce qu’il faut faire.
Ton coup de cœur ?
Je suis très content d’être de retour au pays, d’avoir cette chaleur qui nous manquait tant. J’ai au moins satisfait au besoin d’absorber assez de soleil dans mon corps (rires). Je vois que, malgré la souffrance, les réalités du pays, les gens se battent, l’entreprenariat privé est vraiment développé au Burkina Faso, ce sont des choses à louer. Je tiens à remercier tous ceux qui contribuent à faire de mon séjour un come-back somptueux. Je remercie également l’ambassadeur en poste aux Etats-Unis, S.E Seydou Bouda, qui n’est pas seulement un diplomate mais un rassembleur, un parrain qui ne ménage aucun effort pour fédérer les forces. Je suis très touché par la marque de sympathie à moi accordée par votre journal. Très touché parce que les gens ont désormais vent de ce que nous faisons là-bas. C’est une chose à laquelle je ne m’attendais pas et c’est un honneur pour moi d’être là avec vous aujourd’hui pour parler de notre aventure américaine. Thanks !
Lassané Ouédraogo
A découvrir aussi
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 9 autres membres